Les noces arabes
rideau

ON se marie beaucoup en Algérie. C'est la loi sociale partout ailleurs. Mais on se marie très jeune. A quinze ans, 10 % des filles et I % des garçons sont mariés. A vingt ans, 73 % des filles et 20 % des garçons le sont. A quarante-cinq ans, on compte 98 % de femmes et 94 % d'hommes qui ont fondé un foyer.
Cette précocité dans le mariage s'explique aisément par un certain nombre de causes à la fois sociales et économiques, voire morales. D'une façon générale, les jeunes hommes et les jeunes filles sont mariés par leurs parents, qui sont les véritables meneurs de jeu. Si les nouveaux mariés sont consentants, c'est parce qu'avant tout le respect dû aux parents est très grand en milieu traditionnel algérien. A cela s'ajoute, en ce qui concerne la femme, une dépendance économique vis-à-vis des parents qui est l'élément essentiel expliquant sa passivité.
Il y a une véritable tragédie du mariage en Algérie, et les faits sont là pour le prouver. Résistance de la jeune fille à se laisser marier et qui s'exprime, à la limite, par des tentatives de suicide, et plus communément par un très grand nombre de divorces. Cette situation est due à une contradiction grave entre la nécessaire évolution des moeurs, dictée par les exigences du développement économique, et la persistance d'une société encore largement traditionaliste dans ses structures sociales.
Comment se contracte un mariage en Algérie? Souvent d'une façon fortuite. La parenté, le voisinage, une rencontre au bain maure entre les deux futures belles-mères, etc., peuvent être à l'origine d'un mariage entre un jeune homme et une jeune fille. La mère de famille qui a un fils à marier fait partout son éloge et exagère volontiers dans l'évocation de ses qualités. Il lui arrive de paniquer si elle ne trouve pas vite ce qu'il lui faut. En effet, la religion musulmane réprouve le célibat.
Lorsqu'une mère a trouvé la fille pour son fils, elle doit être belle, forte, résistante, féconde, bonne ménagère, bonne couturière, raffinée et surtout obéissante, elle envoie son mari discuter avec la famille de la jeune fille choisie par ses soins de la valeur de la dot que l'époux doit offrir à son épouse, selon la loi musulmane. De véritables tractations ont lieu entre les deux familles. La dot peut varier entre le minimum symbolique, qui est dérisoire et des sommes énormes qui peuvent atteindre plusieurs millions d'anciens francs dans les familles de la grosse bourgeoisie urbaine et rurale.
Lorsque l'accord a été réalisé, il ne reste plus qu'à réunir la somme de la dot, à acheter des bijoux pour la mariée et à préparer les fiançailles, dont la célébration a généralement lieu un an après le premier accord.

jeune fille arabe
mariage arabe en algerie en 1954

Les fiançailles sont un événement important, car c'est au cours de la cérémonie que le cadi va signer le contrat et que les bijoux vont être remis à la fiancée. L'acte de mariage est signé ce jour-là, soit chez le cadi, homme de la loi musulmane, soit chez les parents de la jeune fille. Au cours de la cérémonie de signature, on se passe aisément de la présence de la future mariée et de son consentement. En effet, on pense que son accord est tacite et que, de toute manière, son père est là pour la représenter.
A l'époque de la guerre de libération nationale, le F.L.N. s'était opposé à cette procédure injuste à l'égard de la femme. Dans les localités contrôlées par le F.L.N., et chaque fois qu'ils le pouvaient, les commissaires politiques qui célébraient les mariages exigeaient la présence de la jeune fiancée lors de la signature du contrat. Il en fut de même lors des nombreux mariages contractés en plein maquis par les résistants des deux sexes.
La fête du mariage peut, dans la plupart des cas, durer un ou trois jours. Mais, dans certaines régions, elle peut durer sept jours et plus! Dans la région de Tlemcen et dans le Mzab, où les tra­ditions islamiques sont très ancrées, les festivités du mariage prennent une ampleur extraordinaire, voire extravagante.

mariage en algerie avant l'independance

Les cérémonies débutent avec l'application du henné sur la paume des mains et la plante des pieds, en présence des parents et des amies de la mariée. Une telle cérémonie est présidée par une matrone habile, sorte d'esthéticienne à caractère magique qui est censée avoir des dons occultes. Elle est réellement vénérée en pays musulman.
De retour à la maison, les femmes organisent une veillée amicale. Elles chantent des litanies exprimant la tris­tesse de la mère de voir partir sa fille, des couplets gais au sujet du bonheur qui attend la nouvelle mariée et des chansons grivoises sur le comportement qu'elle doit avoir durant sa nuit de noces! Là jeune fille est entourée de sa mère, de ses soeurs et de ses tantes qui pleurent de chagrin à l'idée de la quit­ter. La mariée se doit de pleurer aussi, pour montrer son attachement à ses parents, à la maison où elle a grandi et à ses amies. Les voisines s'efforcent alors de la consoler, mais l'ambiance reste gaie : il s'agit plus d'un rituel que d'autre chose !

Avant que la mariée quitte le toit paternel, elle reçoit, sur le seuil de la demeure qu'elle va quitter, une offrande symbolique qui varie selon les régions. Dans l'Est, on lui fait boire de l'eau bénie puisée le jour même dans l'enceinte d'un marabout important, parfumée à l'eau de fleur d'oranger. Dans le Sud, on lui enduit les dents d'une pâte faite de farine, de lait et de beurre. Ensuite, la mariée est escortée par ses parents et ses amis jusqu'à la maison de son mari. Dans les grandes villes, le voyage se fait dans des voitures enrubannées et décorées, aux sons stridents des klaxons. A la campagne, le cortège suit, à pied, la mariée juchée sur un âne, un cheval ou un chameau, selon les possibilités financières et les exigences géo­graphiques.
Lorsque les deux époux ont pénétré dans la chambre nuptiale, les amis du mari se groupent autour de la porte d'entrée et attendent que le mariage soit consommé. Dans le Constantinois, ils encouragent l'époux en frappant très fort contre la porte. Au Mzab, ils lisent le Coran pendant toute la nuit de noces, à même le seuil de la chambre à cou­cher, afin que le mariage soit sanctifié.
Dans chaque cas, la jeune femme est entourée de la sollicitude des siens; c'est ainsi qu'à Tlemcen, par exemple, une jeune négresse couche à la porte des époux, afin de prévenir la moindre brutalité de la part du nouveau marié.
Pendant les sept années qu'a duré la guerre, il va de soi que toutes ces cérémonies avaient été réduites à leur plus simple expression et que les Algériens, sous la férule du F.L.N., avaient rappris à vivre d'une façon plus sobre. Tout le panache bien méridional, inutile et extravagant, qui caractérisait la notion de fête dans le pays avait été emporté par les exigences de la lutte nationale.

mariage en algerie avant l'independance
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ALN - Armée de libération nationale, branche militaire du FLN. Elle se compose de petits groupes menant la guérilla contre les troupes françaises.
Douar - Agglomération de tentes disposées en cercle dans les campements de nomades arabes. Désigne aussi une division administrative en du Nord
Fellagas
- Synonyme de bandits, terme péjoratif utilisé par les Français pour fustiger les combattants de I'ALN. Les soldats les désignaient souvent par Fell.
Fellahs - Paysans, petits propriétaires agricoles
FLN - Le 10 octobre 1954 est créé le Front de libération nationale par des activistes algériens dont le mode d'action est la lutte armée.
Katibas - désigne des compagnies de I'ALN.
MNA - Mouvement national algérien indépendantiste créé en décembre 1954, fidèle au vieux leader Messali Hadj. En guerre ouverte contre le FLN-­ALN pour le monopole du nationalisme algérien.
Moghaznis - Ce terme désigne les hommes d'un maghzen, troupe formée de supplétifs indigènes armés chargés de protéger les administrations spécialisées et les Sections administratives urbaines de l'armée française.
Moudja-hidines - combattants de l'ALN.
Willaya - Région militaire de I'ALN. On en compte six en Algérie, la septième se trouve en France

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